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Channel: Frapper monnaie » Jacques Cheminade
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Faut-il un « printemps » français ?

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Nous savons que le sens démocratique de nos élites est à géométrie très variable. Le traité de Lisbonne passant outre le référendum de 2005 étant un excellent exemple, ainsi que la construction européenne en général.

Mais il y en a d’autres. Nous savions que le nombre de parrainages était une historie dont les tripatouillages permettaient de calibrer le « niveau de démocratie souhaité ». Un autre scandale entachant notre république est celui des comptes de campagne des présidentielles de 1995. Rappelons que le budget de campagne est fortement réglementé par la loi afin que l’argent soit au service de la conviction plutôt que l’inverse. Le conseil constitutionnel est chargé de vérifier la conformité des comptes de campagnes des candidats. La chose est d’importance, car, si un compte de campagne est invalidée, alors la candidature qu’il a servi est invalidée. Trois cas au moins furent litigieux en 1995 : les comptes de Chirac, Balladur et Cheminade. Ce dernier, peu connu, a déjà été mentionné sur ce site à l’occasion des présidentielles de 2012. je n’ai pas de sympathie particulière pour le personnage, notamment quand il prédit l’hyperinflation par assouplissement quantitatif, et ce en 2013 ! (il semble même rajouter sa propre confusion en terme de définition à la notion d’hyper-inflation déjà très confuse) Néanmoins, il est loin d’être le seul à avoir des difficultés à comprendre nos systèmes monétaires. Plus encore, avoir un adversaire ne justifie pas n’importe quel coup bas…

Depuis, les comptes troubles de Balladur et Chirac seront validés, parce que les deux sont jugés trop importants, que les condamner créerait trop de remous. Depuis, les remous se multiplient quand même. Ce sont d’abord les enquêtes des procureurs Renaud Van Ruymbeke et Roger Le Loire sur le volet financier de l’attentat de Karachi (14 morts dont 11 Français, le 8 mai 2002). Mais aussi les remords de Jacques Robert, siégeant alors au conseil constitutionnel, qui soulage enfin sa conscience :

Nous n’étions pas très fier, expliquait-il. La raison d’Etat l’avait emporté sur le droit. Nous avons servi de caution à une belle entourloupe. […] Pour moi, commence-t-il, cela a été un déchirement intérieur. J’ai eu l’impression qu’on me prenait en otage dans une affaire politique. Nous avons présenté devant la nation des comptes réguliers alors que nous savions tous qu’ils étaient irréguliers : une tache sur l’indépendance du Conseil constitutionnel. L’institution s’est fait manœuvrer. S’il n’y avait eu que des professeurs de droit autour de la table, ils auraient tous annulé l’élection.

C’est le président du conseil, Roland Dumas, qui se charge de faire triompher le mensonge :

Il a immédiatement dit que si les comptes de Balladur et Chirac étaient irréguliers, il fallait les modifier, raconte Jacques Robert. L’idée qui s’est imposée, c’est que l’on ne pouvait pas provoquer une crise de régime pour une affaire financière.

Comment une communauté peut briser le pacte qui la lie sans sombrer dans le chaos ? En sacrifiant des boucs-émissaires.

La farce démocratique trouve alors son dindon. Il s’appelle Jacques Cheminade. L’ennemi de la finance, le candidat du groupuscule Nouvelle solidarité qui rêve de concilier le socialisme jaurésien, le christianisme social et le gaullisme de rupture. 0,27 % des voix. Les Sages trouvent dans ses comptes de campagne une petite anomalie. Ils estiment que 1,7 million de francs de prêts sans intérêts, offerts par des particuliers, sont des dons déguisés qui « constituent pour le candidat un avantage ».

Comme si on ne pouvait faire des prêts d’amis, à 0 % d’intérêt. Comme si les autres candidats étaient déloyalement désavantagés de ne pas susciter autant de sympathie populaire (mais parfaitement légitimes à avoir des sympathies par rétrocommissions ploutocratiques, bien sûr). Jacques Robert ne fait pas mystère du rôle de bouc-émissaire de Jacques Cheminade dans cette histoire :

Pour montrer que nous étions indépendants, nous avons invalidé Jacques Cheminade, alors qu’il n’avait commis que de légères erreurs. Pour lui, nous n’avons eu aucun problème de conscience : il a eu tous ses biens hypothéqués.

Depuis, les évènements se poursuivent. Cheminade et son parti sont asphyxiés financièrement. Le dernier épisode en date est la saisie du remboursement de la campagne de Cheminade aux présidentielles de 2012, 170 000 euros sur les 249 000 de remboursement de frais de campagne.

De leur côté, Balladur et Chirac ne sont guère inquiétés. Et Jacques Chirac fait maintenant partie du Conseil Constitutionnel…

En France aussi, des chômeurs s’immolent par le feu. Le cocktail effondrement économique, dislocation sociale et corruption et lâchetés éhontées des élites, tout cela ensemble peut se révéler très explosif, en France aussi, même si la date de mise à feu est très difficile à prédire.

Les choses changent lentement depuis l’époque de La Fontaine :

Les Animaux malades de la peste

Un mal qui répand la terreur,
Mal que le Ciel en sa fureur
Inventa pour punir les crimes de la terre,
La Peste (puisqu’il faut l’appeler par son nom)
Capable d’enrichir en un jour l’Achéron,
Faisait aux animaux la guerre.
Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés :
On n’en voyait point d’occupés
A chercher le soutien d’une mourante vie ;
Nul mets n’excitait leur envie ;
Ni Loups ni Renards n’épiaient
La douce et l’innocente proie.
Les Tourterelles se fuyaient :
Plus d’amour, partant plus de joie.
Le Lion tint conseil, et dit : Mes chers amis,
Je crois que le Ciel a permis
Pour nos péchés cette infortune ;
Que le plus coupable de nous
Se sacrifie aux traits du céleste courroux,
Peut-être il obtiendra la guérison commune.
L’histoire nous apprend qu’en de tels accidents
On fait de pareils dévouements :
Ne nous flattons donc point ; voyons sans indulgence
L’état de notre conscience.
Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons
J’ai dévoré force moutons.
Que m’avaient-ils fait ? Nulle offense :
Même il m’est arrivé quelquefois de manger
Le Berger.
Je me dévouerai donc, s’il le faut ; mais je pense
Qu’il est bon que chacun s’accuse ainsi que moi :
Car on doit souhaiter selon toute justice
Que le plus coupable périsse.
- Sire, dit le Renard, vous êtes trop bon Roi ;
Vos scrupules font voir trop de délicatesse ;
Et bien, manger moutons, canaille, sotte espèce,
Est-ce un péché ? Non, non. Vous leur fîtes Seigneur
En les croquant beaucoup d’honneur.
Et quant au Berger l’on peut dire
Qu’il était digne de tous maux,
Etant de ces gens-là qui sur les animaux
Se font un chimérique empire.
Ainsi dit le Renard, et flatteurs d’applaudir.
On n’osa trop approfondir
Du Tigre, ni de l’Ours, ni des autres puissances,
Les moins pardonnables offenses.
Tous les gens querelleurs, jusqu’aux simples mâtins,
Au dire de chacun, étaient de petits saints.
L’Ane vint à son tour et dit : J’ai souvenance
Qu’en un pré de Moines passant,
La faim, l’occasion, l’herbe tendre, et je pense
Quelque diable aussi me poussant,
Je tondis de ce pré la largeur de ma langue.
Je n’en avais nul droit, puisqu’il faut parler net.
A ces mots on cria haro sur le baudet.
Un Loup quelque peu clerc prouva par sa harangue
Qu’il fallait dévouer ce maudit animal,
Ce pelé, ce galeux, d’où venait tout leur mal.
Sa peccadille fut jugée un cas pendable.
Manger l’herbe d’autrui ! quel crime abominable !
Rien que la mort n’était capable
D’expier son forfait : on le lui fit bien voir.
Selon que vous serez puissant ou misérable,
Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.



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